9 décembre 2019
Ergué-Gabéric. Il prête sa voix pour donner vie à sa marionnette Odile.
« Je m’appelle Odile. J’ai 91 ans, mais l’âge, c’est dans la tête. Moi, je pense n’en avoir que 25. Je suis veuve d’un premier mari, et séparé du deuxième, qui buvait. J’habite à Kerity où j’ai une petite maison de pêcheur et je circule avec mon vélo moteur
, sans casque à cause de ma coiffe ! »
La vieille bigoudène est née de l’imagination fertile du Gabéricois David Eldé. Il s’est lancé dans la ventriloquie, avec pour premier compagnon un putois. Odile a pris la vedette très vite. « Je me suis inspiré de ma propre mère, une dame d’un certain âge, au caractère spécial, assez dur, cassante même, qui dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Avec son caractère de cochon, elle a réussi à se fâcher avec tout le monde. Ma mère se prénomme Otilia. Je me suis dit qu’avec Odile, j’allais faire aimer ma mère. Et aujourd’hui, on applaudit Odile ! »
« Je veux croire qu’elle est vivante »
Depuis, il s’est pris d’affection pour sa marionnette et a affiné son caractère. Odile s’est faite plus douce, plus drôle, plus aimable. « Aujourd’hui, je ne la vois plus comme un objet. Je veux croire qu’elle est vivante. On va me prendre pour un fou, mais tant pis. »
Odile a une véritable identité, un passé, une vie bien à elle, et un avenir. « Elle vieillit aussi. Et on vieillit ensemble. » Il en parle comme d’une personne réelle : « J’aime son bagou. Je la trouve attachante. » Avant de confier timidement : « J’adorerais être Odile ! Elle représente tellement pour les gens qu’elle rencontre. Quand je l’accompagne dans les Ehpad, les résidents sont si heureux de la voir. Ce sont des moments hors du temps. Elle leur apporte le sourire. »
Lui, reste en retrait. C’est Odile qu’on interpelle. David la vénère tant qu’il ne peut s’adresser à elle que par le voussoiement. « Ce jeune homme me doit le respect », coupe Odile qui n’éprouve aucune gêne à tutoyer tout le monde. David ne conçoit pas qu’on ne voie en sa marionnette qu’un morceau de latex. « Elle n’a pas été fabriquée, elle est née. On se fréquente depuis six ans avec Odile. »
Mais David n’est pas le seul à croire en la vie d’Odile. Sur Facebook, les internautes se sont attachés à la vieille dame. Ce n’est pas à David qu’ils écrivent mais à la vieille bigoudène.
Dédoublement de personnalité
David Eldé est aussi posé, et réservé qu’Odile est bavarde et exubérante. « Je fais un véritable dédoublement de personnalité. Ce n’est pas moi qui parle pour Odile. Elle répond seule. Et quand nous sommes sur scène, je l’écoute. Je suis son premier spectateur. Elle me fait rire dans nos improvisations. Je ne réfléchis pas à ce que je vais lui faire dire. Ça sort tout seul ! Elle me taquine souvent. »
À eux deux, ils forment un duo qui aime la scène. David Eldé a commencé la ventriloquie par hasard, avec des déambulations improvisées, jusqu’à ce que les responsables des Vedettes de l’Odet croisent son chemin et lui demandent d’écrire un véritable spectacle pour leurs croisières. Depuis, Odile et celui qu’elle appelle son « mignon » ne se quittent plus. Ils se sont amourachés l’un de l’autre. « Je me considère comme l’auxiliaire de rire d’Odile qui sait être gentille avec moi parce qu’elle a conscience que sans moi, elle n’est plus rien. »
Un passage à la télévision
David Eldé a été présélectionné pour La France a un incroyable talent sur M6. Odile et lui sont passés sur le plateau de l’émission de télé. Après quelques minutes de sketches, ils n’ont pas été retenus. « Le jury n’a pas été sensible à l’humour breton. Odile parle de son quotidien, entre l’église, et ses copines avec qui elle aime dire du mal des gens. On est loin de l’humour noir. »
Mais le Gabéricois est ravi de son expérience télévisuelle. Et à vrai dire, dans la famille Eldé, si on demande la fille, il n’y a qu’à frapper à la porte du même plateau télé. « Ma fille et son groupe de hip-hop sont passés le même jour que moi, et eux ont été sélectionnés pour la demi-finale ! »